
Cette histoire se raconte tout simplement ainsi et il n’y a rien à en changer. En septembre 1939, au large de la Pointe du Raz, si l’île de Sein comprend 1 400 habitants, une grande partie des hommes est déjà mobilisée. L’histoire de ces héros commencent en juin 1940. En plus des combats aériens qui se déroulent au-dessus de leurs têtes, les informations du journal l’Ouest-Éclair parviennent aux Sénans par les bateaux qui accostent.
C’est ainsi que sont connues, l’entrée des allemands dans Paris et depuis le phare de l’île, l’évacuation de Brest.
Le jour même, l’Ar Zénith, qui assure deux fois par semaine le transport de passagers, de marchandises et du courrier entre Audierne et l’île de Sein, fait escale sur l’île. Il a à son bord une centaine de militaires dont des chasseurs alpins, des jeunes gens d’Audierne et du matériel de guerre qu’il doit emmener à Ouessant. Le soir, il repart avec exclusivement les militaires, accompagné de la Velléda, ravitailleur des phares, qui a pris en charge les civils et les iliens.
En réalité l’Ar Zénith, après escale à Ouessant, traverse la Manche sur ordre des autorités militaires et gagne Plymouth. Les quatre membres de son équipage sont les premiers habitants de l’île à partir vers l’Angleterre.
Le retour de la Velléda le lendemain informe les Sénans de la situation. Prévenus qu’un général français doit parler à la radio de Londres, quelques dizaines d’iliens, réunis autour du seul poste TSF de l’île, entendent le deuxième discours du général de Gaulle le 22 juin.
Fortement impressionné, chacun retourne chez soi alors que des avions bombardent des cargos qui passent au large. Pourtant en deux jours, 114 îliens, que la mobilisation avait écartés à cause de leur âge ou de leurs charges de famille, partent de Sein.
Plus tard, d’autres rejoindront l’Angleterre par divers moyens.
Au total, 128 Sénans quitteront l’île pour la Grande-Bretagne. Le plus âgé a alors 54 ans et le plus jeune 14.
Début juillet, ceux qui ont rejoint l’Angleterre sont regroupés, avec trois cents autres volontaires, à l’Olympia Hall, à Londres, où le général de Gaulle les passe en revue. Serrant la main à chacun, qu’il interroge sur son origine, le chef des Français libres, extrêmement surpris du nombre de Sénans présents dans l’assistance, aurait alors dit : « l’île de Sein, c’est donc le quart de la France !». Vingt-deux d’entre eux morts pour la France ne rentreront pas.
Les Sénans, majoritairement des femmes, des enfants et des vieillards, sont surtout soumis à des conditions matérielles très difficiles en raison du départ des hommes et donc de la disparition des revenus et produits de la pêche. Pendant toute la durée de l’occupation, la malnutrition touchera la population – évaluée à 273 habitants en 1943- qui fait preuve d’une grande solidarité. L’île a alors comme unique revenu le produit de la vente de sel.
Quelque temps plus tard :
Le 30 août 1946, le général de Gaulle se rendra sur l’Île et lui remettra la croix de la Libération à l’occasion d’une cérémonie simple et émouvante. Président de la République, il y retournera une seconde fois, le 7 septembre 1960, pour inaugurer le monument aux Forces françaises libres qui porte la devise en breton « Kentoc’h Mervel » (plutôt mourir) et la citation « Le soldat qui ne se reconnaît pas vaincu a toujours raison. »
Une histoire simple ….
… ainsi dessinée, d’hommes à la vie dure mais amoureux de la France libre laissant derrière eux leurs familles, qui donne un élan à cette France encombrée de peurs. L’exemple est toujours de rigueur sur cette minuscule terre bretonne qui constitua dès 1940 l’un des premiers mythes de la France libre naissante.