Dans la première partie, nous avons fait connaissance avec le tamanu, cet arbre du Pacifique encore appelé takamaka selon les régions du globe. Il produit les fruits verts de la taille d’une noix dont on tire une huile quasi sacrée. Cette huile guérit mille maux. C’est vraiment une pépite. Mais le tamanu a d’autres qualités. En effet, ses fruits peuvent être transformés puis utilisés pour fabriquer des perles végétales les fetau, que les femmes wallisiennes et futuniennes poncent, peignent, vernissent pour en faire des colliers.
Les feta’u, perles du Pacifique :
Je dois apporter une correction au vocabulaire que j’emploie à la légère. Il existe en fait différentes variétés d’arbres de la famille du takamaka. Si j’ai bien compris, le tamanu et le feta’u en font partie. Ici à Wallis nous appelons abusivement feta’u les fruits de l’arbre. Qu’il s’agisse réellement d’un feta’u ou d’un tamanu.
Pour obtenir de jolies perles à enfiler, le travail est long et peut pour certains être fastidieux. Pourtant si vous interrogez les femmes locales, jeunes ou plus âgées, qui s’adonnent à cette activité, elles partageront volontiers avec vous le plaisir qu’elles éprouvent durant ces heures de DIY ! Oui c’est ainsi qu’on appellerait ce loisir créatif chez nous. Mais ici pour bon nombre d’entre elles, c’est une façon de gagner leur vie.
Elles commencent par ratisser quand c’est la saison adéquate sous les tamanu. Généralement ces arbres poussent sur des terrains sableux près de l’eau. Nous en avons trouvé sur les îlots mais aussi dans le nord de Wallis du côté de Vailala et de Vaitupu.
C’est donc en ratissant ou en se baissant que nous ramassons nos fetau. Attention, l’idéal est que les boules soient déjà beige clair mais pas encore noires. Lorsqu’elles sont encore vertes c’est qu’elles sont tombées trop tôt. Elles vous donneront plus de travail de préparation. De plus le résultat ne sera pas forcément réussi.
Si elles sont trop noires c’est qu’elles sont déjà trop vieilles. Parfois trop sèches, elles sont déjà fendues. Certaines aussi-mes enfants les appellent des jumelles- sont comme siamoises et ne servent que pour l’extraction de l’amande à l’intérieur en vue de production d’huile de tamanu. En effet, vous ne pourrez pas les percer pour en faire des perles.
Une fois que vous en avez un gros sac plein, retour à la maison. C’est là que le travail commence. Il faut d’abord faire tremper les fetau dans une grande quantité d’eau de javel diluée à l’eau. La poubelle avec son couvercle est bien pratique car on peut remuer deux fois par jour pendant 3 à 5 jours, selon la maturité des feta’u.
Ensuite vous les rincez soigneusement et vous les faites sécher. Evitez le plein soleil et pour accélérer le processus, pensez à faire rouler régulièrement les fetau.
Une fois que les fruits sont propres et secs, c’est le moment de les gratter avec un couteau sans dents. Il faut surtout bien couper ce qui dépasse au niveau de l’emplacement de la tige afin qu’ainsi la boule soit à peu près lisse. Parfois la tige a laissé un petit trou, ce n’est pas un problème. Sinon c’est à cet endroit qu’il faudra percer la boule.
Pour cela j’ai pris une perceuse avec une mèche très fine. C’est une étape assez rapide et ludique pourvu que vous fassiez attention. Sinon gare à la pulpe des doigts !
Ensuite c’est aux enfants de se mettre au travail…..
L’artisanat en famille :
Voici l’heure de l’enfilage des fetau. Il faut se munir d’un très long morceau de ruban. Vous l’enfilez sur une très longue aiguille qui se vend ici. Et hop, l’enfilage commence. D’une part il ne faut pas que l’amande à l’intérieur de la boule se soit rebouchée, ça arrive parfois. Par ailleurs il faut parfois de la patience pour retrouver le trou pour ressortir. C’est un très bon travail pour les enfants dès qu’on estime pouvoir leur confier une aiguille bien pointue.
Au fil des semaines, nous avons progressé et pour éviter les perles mal peintes ou incomplètes, je place à présent chaque perle sur un cure dent. Je trempe le cure-dent avec sa perle bien enfoncée dans le vernis ou la peinture. Avec un petit pinceau, j’égalise, j’ôte le surplus. Enfin je laisse ensuite sécher, en enfonçant le pique sur une plaque de polystyrène.
Pensez en outre, à triez les fetau par tonalités. Les plus claires et régulières seront destinées au vernis teinte chêne doré. Tandis que les moins régulières seront peintes en noir.
A vous de jouer en choisissant les couleurs qui vous font rêver. Attention ici à Wallis, les pots de peinture sont, comme le reste, assez chers.
Après la première couche, nous avons fait sécher nos colliers sur la terrasse. Avec le taux d’humidité à 88%, la peinture sèche très mal. Nous avons quelques jours après passé la deuxième couche. Certaines couleurs ne méritaient finalement pas cette seconde couche. En effet, les reflets du bois disparaissent alors que cela fait aussi le charme de nos perles végétales.
Ensuite, lorsque les perles sont bien sèches, vous pouvez dessiner dessus au marqueur noir ou au blanco, des motifs locaux type tapa. Enfin vous enfilez vos perles avec ou sans petits coquillages entre deux, graines de kolotolu aussi, là c’est l’imagination et la créativité qui comptent. Au final, il ne reste qu’à vernir le collier au moyen de vernis en bombe. C’est en effet beaucoup plus facile qu’au pinceau.
Pour accrocher nos colliers durant le temps de séchage, nous avons tendu une corde entre deux crochets.
Vous aurez ainsi de magnifiques cadeaux de départ pour vos invités puisque la tradition wallisienne comme futunienne est d’offrir des colliers de fleurs à l’arrivée et des colliers de coquillages au départ.