Gérard Priou de la Clinique Mutualiste de la Sagesse à Rennes s’est interrogé sur le principe de gratuité dans le don d’ovocytes, en France. Au vu des délais d’attentes interminables, doit-il être révisé ? Les couples français ont trop souvent le sentiment de se trouver face à un manque d’efficacité du programme de don en France et la nécessité de partir à l’étranger crée-t-elle une inégalité face aux soins ?
Le don d’ovocytes en France est encadré par une loi de bioéthique très exigeante au niveau des valeurs, et favorisant beaucoup plus le principe de précaution que l’obtention de résultats convenables pour la population concernée par cette technique.
Les donneuses sont représentées à plus de 90% par les donneuses « dites relationnelles », et les donneuses purement altruistes ne représentent qu’environ 10% malgré les efforts de communication effectuées par l’Agence de Biomédecine.
Globalement 80 % des couples demandeurs se rendent à l’étranger pour réaliser leur programme de don d’ovocytes. Cette situation génère donc une véritable inégalité devant les soins, les plus pauvres devant patienter dans les listes d’attente parfois supérieure à 3 ans, dans les centres Français.
Pour résoudre cette problématique Gérard Priou propose de faire évoluer la Loi de Bioéthique vers une acceptation de la notion de « compensation financière des contraintes subies imposées aux donneuses d’ovocytes ». Ce qui pourrait permettre de faire progresser le nombre de donneuses à un niveau suffisant pour satisfaire les besoins des couples français.
Le Don d’Ovocytes s’inscrit dans le cadre plus vaste de don d’organes et produits dérivés du corps humain. Il est, à ce titre, fortement encadré par la Loi de bioéthique du 6 aout 2004, modifié en 2011.
Comme le don d’organes, de sang, de moelle, de spermatozoïdes, le don d’ovocytes est soumis à trois grands principes : Volontariat, Gratuité, Anonymat.
* Le don est gratuit : La loi interdit toute rémunération en contre partie du don d’ovocytes
Les donneuses bénéficient de la prise en charge des frais occasionnés par le don. La neutralité financière du don est, « dans les textes », assurée.
Ce principe de gratuité du don correspond pleinement aux valeurs républicaines: Solidarité et, Fraternité. A ce titre il paraît consensuel , irréprochable, voire intouchable. Y porter atteinte serait donc « sacrilège », anti éthique, immoral, et politiquement incorrect.
En réalité, le « programme de don d’ovocytes à la Française » déçoit malheureusement tous les acteurs concernés, c’est à dire les couples en attente d’un don d’ovocytes, et les équipes qui s’occupent de la prise en charge de ces couples, en raison de son manque d’efficacité.
A. Le questionnement :
La problématique du programme de don d’ovocytes en France, découle de son inefficacité et du constat criant qu’il ne répond absolument pas aux besoins de la population concernée. 70 à 95 % des couples concernés, selon les régions, doivent pratiquer ce qu’on appelle le tourisme procréatif, c’est à dire se rendre en Espagne, en Grèce, ou différents pays de l’ex bloc de l’Est, voire de l’Inde ou d’Asie pour espérer bénéficier d’un don d’ovocytes, moyennant finances. Ceci entraîne un surcroit de contraintes, d’angoisse, et une perte financière pour ces couples, et de fait une sélection par l’argent, et une entorse au principe d’égalité des chances, en matière de santé.
Le coût d’un don varie de 4000 à 8000€ par don à charge du receveur, sans compter les frais annexes.
Le don d’ovocytes entre dans le cadre général des PMA (procréations médicalement assistées). Souvent les couples infertiles peuvent utiliser leurs propres gamètes pour des FIV (fécondations in vitro) suivis de transfert d’embryons, ou parfois des stimulations de l’ovulation associées à des inséminations intra-utérines du sperme du conjoint (IAC).
Parfois hélas la patiente ne peut fournir ses propres gamètes (ovules ou ovocytes), en raison d’une insuffisance avérée de l’ovaire, ou d’une contre indication d’ordre génétique à l’utilisation de ses ovocytes. Lorsqu’il s’agit de couples hétérosexuels, ils peuvent alors s’adresser tout à fait légalement à un programme de fécondation in vitro avec don d’ovocytes en France.
Quelques chiffres pour mieux cerner ce problème. L’activité d’aide médicale à la procréation en France, en 2008, a conduit à 2.4 % des naissances totales (Rapport IGAS). L’essentiel de l’activité d’AMP se pratique en intra-conjugal, sans recours à un tiers donneur (94%).
L’activité du don de gamètes est faible : 1055 naissances sont survenues grâce au don de sperme, et 145 seulement par don d’ovocytes réalisés en France .
265 dons d’ovocytes ont eu lieu en France, en 2008, permettant 145 naissances, alors que plus de 1600 couples étaient en attente de don (Agence de Biomédecine).
Plus de 80% des dons d’ovocytes pratiqués sur des couples français se déroulent à l’étranger.
• Le nombre de demandes d’indemnisations a déposées à la CPAM, pour aller faire pratiquer un don à l’étranger est en augmentation. Actuellement plus de 1000 demandes par an, et ce chiffre ne couvre pas la totalité des dons réalisés à l’étranger.
• Désormais des couples français peuvent se rendre à l’étranger, faire réaliser des dons d’ovocytes, dans un cadre légal différent puisque les donneuses reçoivent une compensation financière des contraintes subies. Ils recevront s’ ils le demandent une subvention de la CPAM de plus de 1500€, plus les remboursements de frais notamment les vols pour se rendre à l’étranger. Ce qui permet une subvention supérieure à 2000€. Certaines mutuelles acceptent de rembourser la différence entre cette subvention et le prix demandé dans le centre à l’étranger. Au final leur prise en charge sera de 100%, comme en France pour les couples qui y restent mais avec un délai beaucoup plus court et un donneuse significativement plus jeune.
• Les pays étrangers sont représentés principalement par l’Espagne, la Tchéquie, la Grèce et de nombreux pays de l’ancien bloc de l’Est ; où le don d’ovocytes est également gratuit et anonyme, mais ou la donneuse est indemnisé environ 900 à 1000€ pour les contraintes subies durant la procédure.
B. Comment se déroule un don d’ovocytes en France?
En France, la donneuse d’ovocytes est une femme de moins de 37 ans, ayant au moins un enfant. (On est toujours en attente du décret d’application rendant possible le don d’une femme sans enfant, à la suite de la Loi votée en juillet 2011).
On peut distinguer trois catégories de donneuses.
Le don nécessite de la générosité, du courage physique et psychologique, et de la disponibilité, devant une technique non dénuée de contraintes, de temps, de traitements et de risques médicaux.
– Il peut s’agir d’une donneuse spontanée, “purement altruiste” (IGAS), celle qui est la plus recherché par nos institutions, répondant aux trois principes fondamentaux du don: gratuité, anonymat et volontariat, comme dans le don du sang, et qui ayant entendu parler de ce problème dans les campagnes de sensibilisation, ou par des articles dans les médias, désire, par solidarité, rendre service à une autre femme infertile. Ces femmes généreuses, et courageuses dans le cadre du don d’ovocytes, sont malheureusement rares, malgré les efforts de communication effectuées par l’Agence de Biomédecine, au cours des dernières années.
– Le plus souvent, il s’agit d’une “ donneuse relationnelle”, c’est à dire d’une femme qui est sensibilisée par un couple de son entourage, ayant un problème d’infertilité, et en demande d’un programme de don d’ovocytes. Ce couple lui a expliqué le problème du recrutement des donneuses et lui a appris qu’en donnant, elle contribue à raccourcir leur délai d’attente. Ces relations s’établissent parfois à travers des sites internet féminins, avec tous les risques inhérents à ce type de contact.
– La troisième catégorie de donneuses (Sharing) est le groupe de femmes qui subissant une ponction ovocytaire pour elles-mêmes, dans le cadre d’une FIV intra conjugale accepte d’en donner une partie à un autre couple stérile. C’est la donneuse “partageuse”. Ce type de donneuse est rare, et ce partage pose d’autres problèmes.
Dans une étude portant sur le type de don pratiqué en France, G.Priou, (Congrès GEDO. Paris (mai 2010), montre que chez 445 donneuses, 331 étaient des donneuses relationnelles (75,8%), 67 des donneuses spontanées (15,8%), 34 des donneuses avec partage de leurs propres ovocytes au cours de FIV effectuées pour elle mêmes (8,0% ).
En 2009, l’activité de don d’ovocytes est assurée dans 14 régions. Sur l’ensemble du territoire, 328 ponctions ont été réalisées en 2009.
12 régions ne proposent pas cette activité en 2009, bien que certaines disposent de centres autorisés.
Au total, 800 transferts embryonnaires ont été réalisés dans le cadre du don d’ovocytes en 2009, dont 292 transferts d’embryons congelés.
Les régions Bretagne (240 transferts) et l’Ile-de-France (218 transferts) réalisent 57% des dons d’ovocytes de la France.
C. Le parcours de la femme donneuse d’ovocytes.
Pour rappel, le parcours de ces femmes donneuses comprend une 1ère consultation préalable avec le médecin responsable du don. Au cours de cette consultation le médecin lui explique les différentes modalités du don, la nécessité de faire des examens de sang pour rechercher des antécédents d’infection, un caryotype pour éliminer un trouble génétique transmissible, un bilan hormonal pour évaluer sa fonction ovarienne.
La patiente devra ensuite s’entretenir avec la psychologue du service, puis revoir le médecin responsable avec ses différents résultats.
Au cours de cette 2ème consultation, le médecin lui remettra l’ordonnance destinée au traitement de stimulation ovarienne, et une date sera retenue pour le recueil des ovocytes. La patiente aura remis au médecin, au cours de cette consultation, la feuille de consentement signée par elle-même et son conjoint.
Le traitement comprend une dizaine de jours avec des injections en sous-cutanées (typer Gonal F)de produits stimulant les ovaires et généralement d’un deuxième produit inhibant les mécanismes d’ovulation spontanée (type Cétrotide). Durant le traitement seront effectués trois contrôles sanguins et échographiques. Après le 3ème contrôle, le médecin prescrit une dernière injection pour déclencher l’ovulation (type Ovitrelle). Ce traitement, les femmes habituées de la PMA finissent tôt ou tard par le trouver lourd et difficile au point de parfois ne plus réussir à se piquer vers la fin du traitement. Lorsque vous le faites pour votre propre « compte » c’est déjà source de tension mais dans le cadre du don d’ovocytes, j’imagine que ça l’est bien plus encore (ndlr).
L’intervention de recueil des ovocytes est alors réalisée 35 heures plus tard, au bloc opératoire, sous anesthésie locale ou régionale (voire sans anesthésie), par ponction des ovaires, sous contrôle écho guidé. La douleur est minime, en général, mais non négligeable.
La donneuse est hospitalisée quelques heures et ressort de l’hôpital ensuite. Un arrêt de travail de 1 à 3 jours est nécessaire.
La réalisation d’un don d’ovocytes est donc contraignante.
La femme donneuse doit s’absenter de son milieu familial, de son travail, interrompre ses loisirs, son sport, ses rapports sexuels, la contraception orale doit être arrêtée durant le traitement. Elle ressentira une certaine dose d’angoisse à la pensée de cette hospitalisation et de la ponction.
Au terme de ce traitement, elle subira la ponction ovarienne, l’hospitalisation et l’inconfort pelvien des journées post – ponction.
On peut donc considérer, que pour donner ses ovocytes, la patiente subit un certain nombre de contraintes et de nuisances.
D. Discussion sur la gratuité :
A la lumière des résultats en France, force est de s’interroger sur l’interprétation intransigeante et sans nuance de ce grand principe de Gratuité encadrant le don d’ovocytes, et sur la nécessité de faire évoluer la loi.
La gratuité est un des principes fondateurs du don d’organes et des produits dérivés du corps humain en France. Il se réfère à la solidarité des humains nantis envers les plus démunis, et dans ce cas de solidarité envers des êtres humains ayant une défaillance d’un de leurs organes ou d’une de leurs fonctions.
Celui qui a, peut donner, de façon volontaire, à celui qui est dans le besoin. Ce principe de solidarité et de générosité répond de façon idéale à nos grandes valeurs républicaines.
Cette notion de gratuité est fondée également sur la volonté de non marchandisation du corps humain.
La dernière prise de position de la DGOS en France (octobre 2013) indique :
Il n’est absolument pas possible ni prévu de créer une indemnisation des donneuses en sus ou à la place du « remboursement de frais » actuellement en vigueur. Cela va à l’encontre du principe de gratuité du don, et n’est d’ailleurs pas une demande partagée des professionnels. Les récents travaux sur la MIG AMP ont permis de mieux assurer la neutralité financière pour les donneuses qui pouvait encore poser parfois problème.
Aux USA, dans un système purement libéral, l’ASRM guideline recommande la compensation financière et propose que celle ci devrait être situé entre 5000 et 10 000 dollards (Ethics comittee 2007) cette somme est basée sur le calcul des heures passées pour le don d’ovocytes et multiplié par 60 ou 70 dollards.
En Europe l’ESHRE Task Force on ethics and Laws, en 2002, affirme que le paiement direct pour du matériel de reproduction n’est pas éthique, mais toutefois accepte une compensation raisonnable pour les efforts du donneur.
La convention des Droits de l’homme et de la biomédecine de 1996 interdit les profits financiers pour les donneurs : « Le corps humain et ses parties ne doit pas, en tant que tel, donner lieu à un gain financier ». La gratuité constitue un frein puissant aux tentatives de trafics d’organes en France.
On voit bien dans l’élaboration de ce principe, le souci du Législateur de préserver la nation de deux dangers.
Le premier objectif de la notion de Gratuité, est d’interdire tout enrichissement d’un organisme ou de professionnel, à partir du commerce de transfert d’organes ou de produits issus du corps humain, et ceci pour des raisons évidentes de morale ou d’éthique. Nul n’est ne peut s’enrichir aux dépens de la santé d’autres humains.
Le deuxième objectif est d’empêcher tout être humain de donner ses organes ou produits de son corps (sang, moelle) pour des raisons financières, au détriment de sa propre santé. Je pense notamment aux achats d’organes dans certains pays, comme l’Inde, ou des êtres humains totalement défavorisés, poussés par la misère, mettent leur santé en jeu en vendant un rein ou une partie de leur foie.
La gratuité dans le don d’organe, semble donc un préalable à toute dérive. Mais la greffe d’organes s’est organisée d’une autre façon pour obtenir ces dons. Notamment ceux ci peuvent être effectués chez un être humain en état de mort cérébral, c’est à dire à un stade ou il n’y a plus de préjudice pour sa santé, plus de contrainte professionnelle ou familiale, plus d’appât du gain.
Pour les donneurs d’organe vivants, il s’agit de proches compatibles très motivés pour la santé de la personne susceptible de recevoir, (exemple du don du rein).
Tout autre est le don d’ovocytes. Il ne peut être mis sur le même plan que les autres dons. Il ne s’agit pas d’un organe, mais d’un produit dérivé d’un organe, porteur d’une information génétique.
Les dons de sang, de sperme sont rémunérés en Allemagne comme aux Etats-Unis, mais les lois associées ( anonymat, règlementation…) diffèrent fortement d’un pays à l’autre et selon les continents.
Donner ses ovocytes n’ampute en rien sa propre faculté à concevoir pour soi des enfants – mais on ne peut pas occulter le risque inhérent aux traitements médicaux lourds nécessaires à la stimulation et le risque lié au geste médical de la ponction (ndlr).
Deuxième différence notable, la femme donneuse d’ovocytes a entre 20 et 37 ans, c’est à dire un âge où elle cumule des obligations familiales et des obligations professionnelles, sans parler des loisirs et la pratique régulière d’un sport. Elle doit prendre de son temps professionnel et familial. Elle devra interrompre sa contraception hormonale durant trois mois, ses activités sportives, et sa sexualité durant quelques jours. Elle subira également un pressium doloris, durant la ponction, ou secondairement dans les jours qui suivent. Elle connaitra l’angoisse devant ce geste inconnu pour elle.
On a vu que les donneuses spontanées ne représentaient qu’une minorité (environ 10 à 15% des donneuses). Pourrait on faire mieux par une meilleure communication ? Beaucoup de femmes déclarent être mal informées sur le sujet. Gérard Priou doute cependant qu’une information massive puisse déboucher sur une offre suffisante de donneuses altruistes.
Les donneuses « relationnelles » sont plus nombreuses, elles ont une motivation supplémentaire ; aider leur amie ou parente. Cela constitue un levier indéniable. Ces femmes représentent environ 75 à 85 % des donneuses. Cependant ce type de don comporte également des risques : pression psychologique d’un proche, pression souterraine sur la donneuse, paiements occultes…
Le sharing, ou partage d’ovocytes, provient de femmes elles-mêmes en traitement de Fécondation in vitro. Cela paraît difficile de leur en demander plus, car on n’est jamais sûr de réussir l’obtention d’une grossesse pour elle même.
La gratuité du don d’ovocytes est magnifique, mais n’entraîne pas suffisamment de vocation, pour rendre le programme auto-suffisant en France, et dans les autres pays européens avec une législation identique.
Les centres sont toujours à la recherche de donneuses. Les systèmes couramment employés (donneuses relationnelles, altruistes, sharing) sont trop peu performants pour suivre la demande. La première suggestion avancée pour trouver une solution est toujours la même : payer. Mais cette solution de payer pour du « matériel humain » est en général , au moins en Europe rejetée sur des motifs éthiques.
Ce manque important d’ovocytes, va donc inciter une majorité de couples à tenter leur chance à l’étranger. Cela a un coût important et va donc constituer une sélection des patients par l’argent. 80 % des couples en demande d’ovocytes, partent vers des pays autorisant la rémunération ou l’indemnisation des donneuses. Aux Etats Unis ce type de don rémunéré est même possible, avec un contrat effectué devant un avocat, avec des tarifs particulièrement élevés.
N’y a t il pas en France une confusion entre la nécessité d’établir des garde-fous à certaines activités ( principe de précaution), et une volonté d’établir un ordre moral plus attaché aux principes qu’à répondre à une demande de soins particuliers ?
Il est frappant de constater que les couples concernés par ce don, ne sont pas opposés à une indemnisation des donneuses. Ils s’agit d’hommes et de femmes en souffrance qui mettent beaucoup d’espoir dans cette méthode alternative de traitement à leur problème de stérilité, et qui sont très déçus par ce que leur impose l’organisation du don en France.
Est qu’en acceptant une indemnisation, la donneuse annule le caractère supposé altruiste de son geste ?
En Espagne, le don est officiellement gratuit, mais la Commission Nationale d’AMP permet une indemnisation des donneuses, pour compensation des contraintes subies, sur une base de 900€. Cette indemnisation paraît suffisamment attractive, puisque les centres espagnols ont suffisamment de donneuses pour les demandes des couples espagnols, mais également pour de nombreux couples étrangers, dont les couples français.
En Grande Bretagne, ou le don est gratuit, sans compensation des contraintes, le manque de donneuses est criant. Une étude faisait état d’un sondage auprès de 644 personnes sur la compensation financière des donneuses d’ovocytes. 57% des personnes sondées étaient contre cette compensation. Après avoir apporté des précisions sur les contraintes auxquelles étaient exposées les donneuses, ces mêmes personnes sondées se montraient favorable à une indemnisation.
Au Canada qui a interdit toute indemnisation financière, le nombre de donneuses a chuté de façon importante.
E. Proposition d’une compensation financière de contraintes subies durant le don d’ovocytes :
Compensation financière de contraintes et nuisances n’est pas paiement, ou salaire.
Ne pourrait-on pas envisager une compensation des contraintes et nuisances subies durant le traitement des donneuses d’ovocytes en France ? Contraintes physiques, professionnelles, familiales, psychologiques…
Cette indemnisation ne paraît pas choquante quand on fait le bilan de toutes les contraintes imposées aux donneuses. Celle ci pourrait être calculée par des juristes experts sur des bases objectives. Elle serait versée par la CPAM, au nom de la Solidarité Nationale, comme dans les autres traitements.
On peut par analogie, évoquer la rémunération des hommes et femmes testant des médicaments pour des laboratoires. Ces essais sont régis par la Loi Huriet 1988, révisée en 2004, et permettent très légalement, et en accord avec la loi de bioéthique, une indemnisation comprise entre 1500 et 3500 euros selon la pénibilité et les contraintes imposée par l’essai.
Article L.1121, modifié par Loi N° 2011-803 du 5 juillet 2011-article 9 : « La recherche biomédicale ne donne lieu à aucune contre-partie financière directe ou indirecte pour les personnes qui s’y prêtent, hormis le remboursement des frais exposés et, le cas échéant, l’indemnité en compensation des contraintes subies versées par le promoteur. Le montant total des indemnités qu’une personne peut percevoir au cours de la même année est limité à un maximum fixé par le ministre chargé de la santé. »
Ces laboratoires sont des centres de Recherche agréés par le Ministère de la Santé, et réalisent depuis près de 20 ans de nombreuses études pour mettre au point de nouveaux médicaments pour la mémoire, l’insuffisance veineuse, la perte de poids, le traitement de la douleurs, etc…Ces études de tolérance aux nouveaux médicaments, sont effectuées sur de petits groupes de volontaires sains âgés de 18 à 80 ans. Cela demande du temps : une indemnité non imposable est donc versée à chaque participant en fonction de la disponibilité requise pour l’étude. Ainsi grâce à la participation de ces volontaires, la recherche progresse, et l’ensemble de la société en tire profit.
Beaucoup de femmes reculant devant le don d’ovocytes, est-ce parce que cela demande trop d’efforts, de contraintes, et parfois de pertes financières ? Ou les raisons sont-elles autres ?
En limitant ces dons à deux maximums, on n’encouragerait pas la marchandisation du corps humain. Les femmes donneuses qui ne souhaitent pas recevoir cette indemnisation, pourraient le reverser à des œuvres caritatives, ou à des organismes de recherche agréés.
La générosité de ces femmes mérite une vraie reconnaissance de la société française,
La souffrance morale des couples infertiles, et tout ce que l’on leur fait subir au nom de nos grands principes, en leur imposant dans une majorité de cas à s’exiler à l’étranger à un don d’ovocytes devraient nous inciter à plus d’indulgence et à plus de solidarité.
En conclusion, Gérard Priou rappele que les différents types de dons sont très différents par leur contexte, par leurs contraintes, par leur répercussion sur la santé du donneur, et par leurs résultats. Donner ses organes quand on est mort cérébralement n’est pas comparable, à donner son sang, ou donner son sperme, et n’est en rien comparable au don d’ovocytes.
Ce qui explique que les grands principes fondateurs des lois de bioéthique dans le cadre général du Don d’organes, peuvent s’avérer inadaptés, si on les applique indifféremment de façon trop rigide, sans se référer à la réalité, et aux résultats globaux de notre politique de santé.
Il faut donc réfléchir différemment sur l’encadrement de ce type de traitement, car le problème de carence de donneuses dans le don d’ovocytes constitue une véritable atteinte au principe d’égalité devant les soins.