Selon Blanquer, la maternelle est « école du langage ». Elle a pour objet d’ « enseigner la compréhension » des autres et de soi.
Jean-Michel Blanquer propose trois principes pour renforcer son efficacité :
« l’existence d’un projet éducatif incluant largement les familles, dans une perspective de « coéducation ». En effet, « l’enfant ressent très vivement si sa famille est en osmose avec l’école (…) il va de soi que l’attitude des parents détermine beaucoup de choses pour l’avenir scolaire de l’enfant ».
« un projet pédagogique propre » : pour la première fois en 2008 a été énoncé un « programme » de la maternelle. L’auteur y est très attaché et définit un socle de compétences minimales2 à acquérir à ce niveau3.
la création de certifications spécifiques pour enseigner en maternelle. L’auteur affirme « qu‘il y a des méthodes qui font leurs preuves et d’autres (non) ». Il insiste sur la nécessité de consolider la « conscience phonologique » des enfants. En particulier, il suggère de faire la part belle à la pédagogie Montessori, fondée sur l’expérience sensorielle (l’enfant touche les lettres pour se les approprier) et le jeu.
Jean-Michel Blanquer souligne en outre que :
l’ouverture de la maternelle à deux ans est une bonne chose mais ne mérite pas d’être systématisée puisque « il peut y avoir des structures municipales, par exemple des crèches, plus adaptées qu’une école maternelle pour les enfants de deux ans ».
le repérage des difficultés scolaires dès la maternelle4, envisagé en 2011 et qui a fait l’objet d’une absurde polémique (« outil de relégation »), est absolument nécessaire parce que «les difficultés en lecture, écriture et calcul rencontrées par 15 à 20% des élèves qui sortent du CM2 auraient pu être prévues dès la maternelle ».
Il rappelle qu’à partir de 2000 l’école maternelle a connu de notables évolutions (programme, accompagnements pédagogiques, formation continue et aide personnalisée pour les élèves en difficulté) qui ont produit des effets extrêmement positifs : en effet, à rebours de la dégradation générale du niveau des élèves français constatée par les enquêtes nationales et internationales, les élèves de maternelle ont connu une progression forte de leurs résultats ces dernières années5: les élèves situés au plus bas niveau sont moins nombreux (10% en 1997, 3% en 2011) et les élèves défavorisés progressent davantage que les autres dans l’acquisition de certaines compétences. L’auteur y voit « un rebond du système éducatif français », qu’il estime cependant fragile.
Enfin, Jean-Michel Blanquer regrette que la loi Peillon dite de « Refondation de l’école » ait mis fin au « cycle 2 » (grande section, CP, CE1), éloignant de ce fait écoles maternelle et élémentaire.
Al’école élémentaire, il existe aussi des méthodes d’apprentissage efficaces et éprouvées6, en particulier la méthode syllabique d’apprentissage de la lecture. L’auteur rappelle que depuis des années les progrès des neurosciences au plan mondial permettaient de distinguer les bonnes méthodes d’acquisition de la lecture et de l’écriture alors que la France, empêtrée notamment dans la polémique sur la « méthode globale », se drapait dans un « voile d’ignorance ». Il en appelle en ce domaine à l’expérimentation et à la connaissance fine des travaux de recherche internationaux (plutôt qu’à l’expertise de l’Inspection Générale !). Ces méthodes doivent être connues et enseignées dans les écoles de formation des professeurs.
Il est également utile de rapprocher le système scolaire français de ceux de ses voisins européens. C’est l’un des fondements du raisonnement en termes de compétence acquise et de la définition d’un « socle commun » que chaque enfant doit avoir acquis à l’issue de la scolarité obligatoire. La construction du « socle commun de connaissances et de compétences » en 2005 a constitué un progrès essentiel. Toutefois, le socle souffre de deux défauts essentiels : il est trop foisonnant (cinq piliers auxquels ont été ajoutés deux piliers « éducatifs »7) et a été conçu en parallèle de la réflexion sur les programmes, qui ne l’intègrent que partiellement. Le socle rénové devrait être organisé en trois domaines (maîtrise du français, maîtrise des mathématiques et des sciences, humanités) et son acquisition être évaluée « par paliers »8.
Sur l’évaluation, l’auteur rappelle qu’il est stérile d’opposer les évaluations-bilan comme celles qui vérifient l’acquisition du socle et les « évaluations-diagnostic » (la notation quotidienne). Le socle doit être acquis par tous à l’issue de la scolarité obligatoire et son évaluation indique où en est l’élève dans cet apprentissage de base. Elle a de multiples vertus, notamment parce qu’elle est collective et permet donc des comparaisons entre écoles et classes9. L’auteur déplore qu’en 2012, les évaluations nationales de l’acquisition du socle mises en place en fin de CE1 et de CM2 aient été abandonnées, rendant impossible pour le ministère de l’Éducation Nationale de réaliser un « véritable pilotage pédagogique du système ».
Les autres évaluations tendent à vérifier les performances de l’élève à partir d’un programme qui va bien au-delà du socle. Elles permettent aux élèves de se situer les uns par rapport aux autres et aux enseignants d’évaluer les atouts et faiblesses de chacun et de l’aider à progresser10.
Enfin, l’ancien recteur incite à poursuivre l’effort qui a conduit à la rédaction de programmes clairs et concis en 2008 et a constitué un effort important pour fixer aux enseignants des objectifs crédibles. L’installation en 2013 du Conseil Supérieur des Programmes, marqué par la démission de son Président, le recteur Boissinot, a souligné la difficulté de l’exercice.
Il est temps que nos enfants apprennent avec les bonnes méthodes et les bons enseignants et qu’ils soient évalués afin qu’on repère leurs difficultés. Un livre nous donne envie d’y croire !
3 Il propose en outre de développer des projets spécifiques à chaque école ou académie comme la lutte contre l’illettrisme, expérimentée dans l’académie de Créteil avec lecture d’un texte à voix haute par jour de la part de l’enseignant.
4 Plusieurs expérimentations sur la « conscience phonologique précoce » des enfants ou leur pré-conscience grammaticale ont été menées tant par le médecin Michel Zorman que par l’association agir pour l’école, avec un succès certain.
5 Note d’information de la DEPP, 13-19 septembre 2013.
6 Ainsi, il existe une corrélation très nette entre le manuel qu’un élève a utilisé et ses compétences de lecteur
7 Compétences sociales et civiques ; autonomie et esprit d’initiative.
9 L’évaluation-bilan est « gratuite » pour l’élève (ce n’est pas une bonne ou une mauvaise note) et elle est passée généralement dans cet état d’esprit (par différence avec le « contrôle »)
10 A l’école élémentaire, l’évaluation quotidienne est très rarement chiffrée, notamment dans les petites classes. Voir note CG « La notation des élèves ».
L’école de la vie, Jean-Michel Blanquer
Papier : 22€90 / eBook : 17€99